La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise a été publiée ce jour au Journal officiel.

Cette loi transpose les mesures de l’accord national interprofessionnel signé le 10 février 2023 ayant notamment pour objectif de simplifier la mise en place de dispositifs de partage de la valeur en entreprise et de développer l’actionnariat salarié.

L’article 17 de cette loi se concentre sur le régime des attributions gratuites d’actions (« AGA ») et assouplit les conditions d’attribution de ces instruments.

Vous trouverez ci-après un aperçu des principales mesures contenues à ce sujet dans le texte législatif.


Rehaussement du plafond global d’attribution gratuite d’actions

La nouvelle rédaction de l’article L. 225-197-1 du Code de commerce répond au souhait des partenaires sociaux d’ouvrir une plus grande part du capital aux salariés et dirigeants dans le cadre des attributions gratuites d’actions.

Cet article limitait auparavant le nombre d’actions susceptibles d’être attribuées gratuitement par un plafond global égal à 10 % du capital social de la société attributrice apprécié à la date d’attribution. Ce plafond était relevé à 15 % lorsque la société attributrice n’était pas cotée et remplissait les conditions pour être qualifiée de petite ou moyenne entreprise (PME)[1] et à 30 % lorsque l’attribution bénéficiait à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société[2] (plan dit « démocratique »).

L’article L. 225-197-1 du Code de commerce, dans sa nouvelle rédaction, augmente désormais ces plafonds pour atteindre les taux suivants : 15 % (au lieu de 10 %) pour les entreprises ne qualifiant pas de PME, 20 % (au lieu de 15 %) pour les entreprises qualifiant de PME et 40 % (au lieu de 30 %) lorsque l’attribution bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié.

Un nouveau plafond intermédiaire de 30 % est également introduit dans les cas où l’attribution bénéficie à des salariés représentant à la fois plus de 25 % de la masse salariale et plus de 50 % de l’effectif salarié[3].

Faculté de rechargement du plafond individuel d’attribution gratuite d’actions

Si la loi ne modifie pas le double principe selon lequel il ne peut pas être attribué gratuitement d’actions aux bénéficiaires détenant chacun plus de 10 % du capital social et qu’une attribution gratuite d’actions ne peut avoir pour effet pour les bénéficiaires de détenir chacun plus de 10 % du capital social de la société émettrice, la loi instaure désormais un mécanisme de « rechargement » en prévoyant que cette limite individuelle est appréciée en ne tenant compte que des titres de la société émettrice « détenus directement depuis moins de sept ans ».

Le fait qu’il ne soit plus tenu compte, pour l’appréciation du plafond individuel, des titres de la société attributrice détenus depuis plus de sept ans devrait néanmoins présenter un intérêt limité dans le cadre des opérations de leveraged buy-out (LBO) dès lors que la loi ne prévoit pas de caractère intercalaire pour les apports d’actions et la prise en compte de la durée de détention des actions apportées.

Nous notons cependant que la loi ne vise désormais, pour l’appréciation de la limite individuelle, que les titres de société détenus « directement » par les bénéficiaires. Si la législation était muette sur ce point jusqu’à présent, la grande majorité des praticiens adoptait une position prudente et considérait que l’ensemble des détentions (directes et indirectes) devait être pris en compte. La portée de ce changement devra cependant être mesurée avec précaution en pratique.

Attribution au profit de mandataires des filiales de la société attributrice : harmonisation du traitement entre les groupes cotés et les groupes non cotés

Il existait, avant l’intervention de la loi, une différence de traitement entre les groupes cotés et les groupes non cotés.

Dans les groupes cotés, l’attribution gratuite d’actions était permise pour les salariés et certains mandataires sociaux des sociétés liées à l’émettrice cotée, alors que dans les groupes non cotés, de telles attributions n’étaient permises qu’au profit des seuls salariés des sociétés liées à la société émettrice des actions attribuées gratuitement[4], à l’exclusion des mandataires de ces mêmes sociétés.

La loi est venue harmoniser le régime pour les deux catégories de groupes, en permettant désormais aux sociétés non cotées d’attribuer gratuitement des actions aux mandataires de leurs sociétés liées.


Nous ne pouvons que saluer l’intervention du législateur dans un contexte où les mécanismes légaux d’intéressement sont devenus un outil incontournable dans la mise en place des management packages.

Nous regrettons cependant que le législateur n’ait pas profité de cette occasion pour enfin prévoir l’application générale des régimes de différé d’imposition (régimes du sursis et du report) lors de l’apport d’actions ayant été attribuées gratuitement (une telle opération étant aujourd’hui, sauf rares exceptions, considérée comme un fait générateur d’imposition du gain d’acquisition, alors que cet événement ne donne lieu à aucune perception de liquidité pour le porteur).


[1]             Telle que cette notion est définie par l’article 2 de l’annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission européenne du 6 mai 2003 « concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises »

[2]             Dans le cadre d’un plan démocratique, le plafond de 30% ne s’appliquait qu’à la condition qu’au-delà du pourcentage de 10% ou, le cas échéant de 15%, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne soit pas supérieur à un rapport de un à cinq.

[3]             Les plafonds de 30% et 40% ne s’appliquent qu’à la condition qu’au-delà du pourcentage de 15% ou, le cas échéant de 20%, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne soit pas supérieur à un rapport de un à cinq.

[4]            En sus des salariés et des mandataires sociaux de la société émettrice.