Taxe de 2 % sur la valeur vénale des actifs des holdings patrimoniales

Ne se voulant ni taxe Zucman, ni rétablissement de l’ISF, la taxe de 2 % sur la valeur vénale des actifs des holdings patrimoniales prévue à l’article 3 du projet de loi de finances pour 2026 attire notre attention par sa complexité et son champ d’application bien plus large que son nom ne le laisse paraître. Visant les sociétés « principalement passives » définies comme celles percevant des revenus majoritairement passifs (ex : dividendes, intérêts, loyers), elle pourrait toucher toutes les typologies d’investisseurs et d’investissements avec dans la ligne de mire du gouvernement l’immobilier, les biens mobiliers corporels (œuvres d’art, objets de collection, véhicules …), les disponibilités, les participations minoritaires ou encore les participations conférant le contrôle de filiales elles-mêmes « principalement passives ».

UN CHAMP D’APPLICATION PLUS ETENDU QUE SON INTITULE NE LE LAISSE PENSER

Le projet de taxe vise les sociétés ayant leur siège en France et qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés et certains associés de sociétés étrangères soumises à un impôt équivalent. La taxe s’appliquerait lorsque quatre conditions sont cumulativement remplies :

  • la valeur vénale totale des actifs de la société doit être au moins égale à 5 m€ ;
  • une personne physique doit (i) détenir directement ou indirectement au moins 33,33 % des droits financiers ou de vote ou (ii) exercer le pouvoir de décision effectif ; pour calculer le seuil de 33,33 %, il est prévu d’agréger les participations familiales, ainsi que les participations des personnes liées par un accord de vote relatif aux distributions (une attention toute particulière devra donc être portée à cette taxe par les groupes familiaux élargis et par les investisseurs en club deal) ;
  • plus de la moitié des revenus de la société doit provenir d’activités considérées comme passives (dividendes, intérêts, redevances, produits et droits d’auteurs, loyers, produit de cession d’un bien générant de tels revenus passifs s’ils ne sont pas exceptionnels) ; nous anticipons que cette définition très large des revenus passifs suscitera de vifs débats au Parlement ;
  • la société ne doit pas être contrôlée par une autre entité déjà assujettie à cette taxe.

DES EXCLUSIONS PLUS RESTRICTIVES QU’IL N’Y PARAIT

La taxe n’est pas due à raison des actifs détenus par (i) des organismes de placement collectifs (OPC), sous réserve qu’ils soient détenus à hauteur d’une fraction égale ou supérieure à 33,33 % (de manière directe ou indirecte) par des investisseurs autres qu’une personne physique, (ii) des sociétés de capital risque et (iii) par des SIIC (la question d’une holding détenant une SIIC méritant d’être clarifiée). Sont également exclus leurs équivalents étrangers sous réserve qu’ils soient soumis à une règlementation équivalente.

UNE ASSIETTE VISANT A IMPOSER LES ACTIFS NON-PRODUCTIFS AUX DIFFERENTS NIVEAUX D’UNE CHAINE DE PARTICIPATION

La taxe, dont le taux a symboliquement été fixé à 2 % (comme celui de la taxe proposée par Gabriel Zucman), s’applique sur la valeur vénale de différents types d’actifs détenus à la clôture de chaque exercice, listés ci-après :

  • Les immeubles et meubles corporels (ex : œuvres d’art, véhicules, yachts, aéronefs, etc.), ainsi que les droits portant sur ces biens, sauf à ce que ces actifs soient affectés à l’exercice d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale réalisée par la holding ou certaines personnes morales ou physiques qui lui sont liées.
  • Les disponibilités et certains titres.
    Le terme de disponibilité n’est pas plus amplement défini. Nous imaginons qu’il pourrait inclure les placements à terme, voire les cryptomonnaies.
    Concernant les titres, seuls ceux ne revêtant pas la qualification de titres de participation au plan comptable et/ou au plan fiscal seraient visés. Autrement dit, à ce stade, seraient visés les valeurs mobilières de placement (en ce compris les participations minoritaires dans des sociétés opérationnelles) mais aussi les titres de sociétés à prépondérance immobilière. Le texte prévoit en revanche quelques exceptions : n’entreraient ainsi pas dans l’assiette de la taxe les participations détenues avant le 1er janvier 2026 dans des jeunes sociétés qualifiant de PME au sens du droit de l’UE, les titres rémunérant la souscription à des augmentations de capital de telles sociétés passée cette date, mais également les titres émis par certains fonds dits « fiscaux ». Il est probable que le périmètre des titres concernés fasse l’objet de discussions animées au Parlement.
    En fonction de l’évolution de sa rédaction, le texte pourrait conduire certains contribuables à réaliser des arbitrages, afin de concentrer leurs investissements sur des actifs productifs non soumis à la taxe.
    Ces éventuels arbitrages devront néanmoins tenir compte du fait que l’assiette de la taxe est réduite :
    – à hauteur de la fraction non employée des fonds résultant d’une augmentation de capital destinés à être employés dans l’exercice d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale dans un délai de deux ans ;
    – à hauteur de la fraction non réemployée des produits de certaines cessions pendant deux ans ;
    – à hauteur du plus élevé entre (i) 15 % de la valeur vénale (a priori, de l’ensemble) des biens détenus par la société, (ii) 2 fois le montant moyen du résultat comptable constaté au titre des trois dernières années, (iii) le montant des dettes à un an et plus et (iv) la moyenne des montants des actifs immobilisés acquis au cours des trois derniers exercices et affectés à l’exercice de l’activité.
  • Les participations dans des filiales « passives » non cotées contrôlées par la holding soumise à la taxe. Ne sont concernées que les filiales dont la valeur des actifs excède 5 m€ et dont les revenus passifs excèdent 50 % des revenus. Les modalités de calcul de l’assiette de la taxe afférente à ces titres sont complexes. Il convient de retenir que, lorsque les seuils d’assujettissement sont effectivement dépassés, la logique du texte est d’asseoir la taxe sur la fraction de valeur des titres et des créances représentative de la valeur réelle des actifs visés ci-dessus (à savoir : immeubles, meubles corporels, disponibilités, valeurs mobilières de placements, titres de sociétés à prépondérance immobilière).

Le texte prévoit par ailleurs de nombreux dispositifs permettant et encadrant la prise en compte des passifs finançant ces actifs. Ces règles se rapprochent des mécanismes applicables en matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui sont des dispositifs complexes et nécessitant une étude au cas par cas (ex : origine du financement, prêt in fine et sans terme etc.).

DES REGLES D’IMPUTABILITE SUSCEPTIBLES D’AFFECTER CERTAINS ASSOCIES MINORITAIRES 

Les règles de détermination du redevable divergent selon le lieu de résidence (fiscale) de la holding.

Si la holding est soumise à l’impôt sur les sociétés en France, la taxe (non déductible) est due par la holding elle-même, ce qui fait indirectement peser le coût de la taxe en partie sur des associés ne la contrôlant pas. Si ces dispositions n’évoluent pas, certains associés pourraient être incités à négocier des clauses visant à les indemniser du montant de la taxe, comme on peut le voir au regard d’autres impôts (ex : taxe de 3 %, Pilier II).

Si la holding est soumise à un impôt étranger équivalent à l’impôt sur les sociétés français, alors la taxe est due par les personnes physiques domiciliées en France détenant directement ou indirectement au moins 33,33 % des droits financiers ou de vote ou exerçant le pouvoir de décision effectif (ainsi que par les membres du cercles familial et associés liés par un accord de vote sur les distributions), dans la limite de la valeur de la participation qu’ils détiennent avec les autres personnes physiques contrôlantes (en ce compris certaines créances). A ce stade, nous ne pouvons pas exclure le risque que ces règles fassent supporter aux résidents français une partie de l’impôt dû à raison des participations détenues par des membres de leur cercle familial domiciliés dans des Etats étrangers.

L’APPLICATION DE LA TAXE EXCLUT CELLE DE L’IFI

Les titres entrant dans le champ d’application de l’IFI seraient exonérés d’IFI sous réserve qu’ils aient été soumis à la taxe au titre de l’exercice clos au cours de l’année précédant le 1er janvier.

Les contribuables bénéficiant d’une exonération d’IFI en raison de la soumission à la taxe de leur holding devraient néanmoins voir leur imposition au titre des mêmes immeubles augmenter du fait (i) du taux fixe de 2 % de la taxe (alors que l’IFI prévoit un taux progressif entre 0,5 et 1,5 %) et (ii) de l’absence de mécanisme de plafonnement en fonction des revenus (alors qu’un certain nombre de contribuables voyaient leur IFI réduit par l’effet du plafonnement à 75 % des revenus).

CONSEQUENCES PRATIQUES

La taxe pourrait entrer en vigueur au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2025 pour les holdings situées en France (les holdings situées à l’étranger bénéficiant d’un an de décalage). L’instauration de celle-ci est donc susceptible d’influencer des prises de décisions à réaliser avant la fin de l’année (ex : politique de distribution, arbitrages d’actifs, structure de financement).

Nous recommandons aux contribuables concernés d’auditer rapidement leur patrimoine afin d’évaluer les effets de cette taxe, tout en gardant à l’esprit que le texte n’est qu’au début de son parcours législatif et qu’il est encore susceptible d’évoluer. Cette mission d’audit implique notamment (i) d’identifier les participations concernées, (ii) de valoriser les différents biens et titres détenus directement et indirectement, (iii) de distinguer les actifs productifs et les actifs non productifs et (iv) de simuler l’impact de la taxe en tenant compte des différents mécanismes de sauvegarde et dispositifs anti-abus.