La réglementation de l’agrément bureau, qui figure aux articles L 510-1 et R 510-1 et suivants du code de l’urbanisme est une matière complexe, au champ d’application longtemps très évolutif et aux multiples exceptions, parfois difficiles à appréhender.
Cette réglementation, qui a pour objet de veiller à assurer un équilibre entre les constructions destinées à l’habitation et celles destinées aux activités, n’a plus connu de modification majeure depuis 2007, année qui a vu disparaître l’agrément utilisateur en région Ile-de-France.
Or, la préfecture de la région Ile-de-France a constaté que le déséquilibre est-ouest, historiquement ancré en matière de production de logements et de bureaux, était persistant et que l’outil de régulation que devait être l’agrément ne parvenait pas à désamorcer cette tendance.
En 2018, la préfecture a donc innové avec la publication d’orientations pour l’instruction des demandes d’agrément relatives aux bureaux, orientations qu’elle a renforcées à compter du 6 septembre 2021.
I – Les orientations en vigueur depuis le 1er novembre 2018 : l’introduction des principes de mixité et de compensation
Pour le traitement des demandes d’agrément portant sur des surfaces de bureaux, la préfecture de la région Ile-de-France a d’abord défini en 2018 deux périmètres distincts :
- un périmètre d’attention renforcée incluant les arrondissements 1 à 9 et 15 à 17 de Paris, 30 communes des Yvelines, une commune de l’Essonne et 20 communes des Hauts-de-Seine
- et un périmètre d’attention simple comprenant les arrondissements restants de la capitale, et les autres villes des départements de la petite et de la grande couronne,
dans lesquels elle a décliné plusieurs orientations :
- en périmètre d’attention simple, elle a conditionné la délivrance des agréments bureaux au respect (i) d’un principe général de mixité logement-bureau sur les terrains d’une superficie atteignant une certaine taille et faisant l’objet d’un recyclage foncier total, ainsi que (ii) d’un objectif de production de logements sociaux dans les communes carencées au titre de la loi SRU ;
- en périmètre d’attention renforcée, elle a subordonné l’octroi des agréments bureaux des opérations les plus importantes (constructions neuves ou extensions supérieures à 10 %) à une compensation en logements : 3 m² de logement pour 1 m² de bureau dans le cas général, 1 m² de logement pour 1 m² de bureau lorsque l’opération apportée en compensation consiste en une démolition d’une surface de plancher de bureaux équivalente ayant permis la réalisation de logements. Seuls les projets situés dans le périmètre des opérations d’intérêt national de La Défense, de Nanterre et de la Garenne Colombes pouvaient échapper, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, à cette obligation de compensation.
Après deux années de mise en application de ce dispositif, entré en vigueur le 1er novembre 2018, la région a considéré que l’effort n’était pas suffisant et décidé – après concertation avec les professionnels et les territoires concernés – de le faire évoluer.
II – Des orientations consolidées applicables depuis le 6 septembre 2021
Ces évolutions, qui s’appliquent aux demandes d’agrément bureau déposées depuis le 6 septembre 2021, portent notamment sur les axes suivants :
- extension à de nouveaux secteurs du périmètre d’attention renforcée sur lequel des compensations en logements sont à constituer en cas de projet immobilier uniquement dédié à du bureau ;
- renforcement du principe général de mixité logements-bureaux en cas de recyclage foncier ;
- renforcement des compensations dans les communes carencées au titre de la loi SRU, ainsi que sur les arrondissements parisiens déficitaires en logements sociaux.
Élargissement du périmètre d’attention renforcée
Les nouvelles orientations publiées le 6 septembre 2021, et applicables aux demandes d’agrément bureau déposées à compter du même jour, continuent de se décliner différemment selon que le projet de bureaux se situe en périmètre d’attention simple ou en périmètre d’attention renforcée, mais ce dernier est élargi :
- il intègre dorénavant les arrondissements parisiens 12, 13 et 14 ainsi qu’une partie des arrondissements 10 et 11 ;
- au nord de Paris, il englobe également les communes de Clichy, Asnières sur Seine et Bois Colombes (92) ainsi que celles de Saint Ouen sur Seine et Saint Denis (93) ;
- au sud de Paris, il inclut désormais les communes de Montrouge, Malakoff, Châtillon et Bagneux (92).
En outre, le périmètre d’attention renforcé est désormais découpé en secteurs, numérotés S1 à S8, qui jouent un rôle en matière de périmètre dans lequel les compensations doivent être réalisées[1].
Confortation du principe général de mixité logements/bureaux
Ce principe, introduit par les orientations de 2018, est renforcé dans les nouvelles orientations puisque désormais :
- il s’applique également à des terrains :
- faisant l’objet d’un recyclage foncier « significatif » (et non plus seulement « total »),
- d’une taille dépassant des seuils plus bas que ceux fixés en 2018 (cf. tableau ci-dessous),
- toujours situés dans des « espaces urbains mixtes, diffus et non contraints, excluant ainsi les terrains en opérations d’aménagement (ZAC, PUP, OIN), en zones industrielles et en zones soumises à de fortes nuisances »
- le projet devra dorénavant intégrer une part de l’ordre de 40% de surfaces de plancher de logements (là où aucune surface de plancher minimale de logement n’était attendue en 2018).
Zone géographique |
Superficie du terrain à partir de laquelle l’introduction de mixité est attendue (orientations 2018) |
Superficie du terrain à partir de laquelle l’introduction de mixité est attendue (orientations 2021) |
Communes les plus denses identifiées par le SDRIF (plus de 220 logements par ha) |
5.000 m²
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3.000 m²
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Autres communes du périmètre d’attention renforcée |
10.000 m²
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5.000 m²
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Autres communes du périmètre d’attention |
20.000 m²
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10.000 m²
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Renforcement de l’objectif de production de logements sociaux
Les orientations adoptées en 2018 avaient pour ambition, dans les communes carencées au titre de la loi SRU, de freiner la délivrance des agréments bureaux si la Préfecture jugeait que la ressource foncière pouvait être affectée au logement avec une part significative de logement social.
Cette orientation est réaffirmée et élargie aux projets d’immobilier de bureaux réalisés dans les arrondissements parisiens déficitaires en logements sociaux.
Réaffirmation d’un principe de compensation dans le périmètre d’attention renforcée
Innovation majeure des orientations adoptées par la Préfecture de la région Ile-de-France en 2018, le mécanisme de compensation est réaffirmé et élargi de la façon suivante :
- dans son champ d’application :
- la compensation en surfaces de logements demeure requise pour toutes les opérations de construction neuve de bureaux ou d’extension supérieure à 10% de l’existant, étant rappelé que dans ce dernier cas la compensation doit porter sur l’ensemble de l’extension (pas de franchise sur les premiers 10 %) ;
- la nouveauté tient au fait que, dans les communes carencées au titre de la loi SRU ainsi que dans les arrondissements de Paris déficitaires en logements sociaux, des compensations seront désormais requises pour les extensions de surface supérieures à 500 m² (donc y compris lorsque l’extension est inférieure à 10 % de l’existant) ;
- les seuils de 10% et 500 m² précités ne sont pas applicables aux projets de bureaux développant une opération de logements à destination des ménages franciliens, l’objectif étant toujours d’inciter à la mixité urbaine. Aucun ratio logements/bureaux n’est imposé à ce titre, chaque opération étant étudiée au cas par cas.
- dans ses modalités :
- le ratio de 3 pour 1 (cas général) est maintenu mais il est dorénavant possible d’apporter en compensation soit des surfaces de plancher de logements neufs supplémentaires créés, soit (c’est la nouveauté) des surfaces de logements créés ou réhabilités suite à une opération de résorption de l’insalubrité ; en outre, la compensation doit désormais se faire non plus à l’échelle du territoire couvert par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI)[2] dont dépend la commune d’implantation du projet de bureaux, mais préférentiellement au sein de la commune elle-même ou, à défaut, dans le secteur (S1 à S8) du périmètre d’attention renforcé dont cette commune (ou l’arrondissement parisien concerné) relève (voir croquis supra) ;
- le ratio de 1 pour 1 continue de s’appliquer lorsque la compensation apportée consiste en la démolition d’une surface de plancher de bureaux ayant permis la réalisation de logements ; dans ce cas la compensation continue de pouvoir se faire à l’échelle du territoire de l’EPCI dont dépend la commune d’implantation du projet de bureaux ;
- dans les communes carencées au titre de la loi SRU, les compensations doivent toujours inclure une part minimale de 30 % de logements sociaux, réalisés sur la commune d’implantation ; la nouveauté consiste à avoir étendu cette obligation de part minimale 30 % de logements sociaux aux compensations présentées dans des arrondissements parisiens déficitaires en logements sociaux.
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Le cas particulier des opérations situées dans le périmètre des OIN de La Défense, de Nanterre et de La Garenne Colombes
Les nouvelles orientations conservent les principes posés par les orientations de 2018, à savoir que :
- les opérations prévues dans le document d’orientations « La Défense Seine Arche : stratégie 2025 » seront agréées sous réserve d’une desserte satisfaisante par les transports collectifs (pas de compensation exigée) ;
- les opérations de construction neuves non prévues audit document d’orientations ni dans les opérations d’aménagement en cours de réalisation doivent rechercher une mixité développant des logements pour pouvoir obtenir leur agrément ;
- la réhabilitation des immeubles tertiaires est privilégiée et peut inclure des extensions si elles facilitent la réhabilitation ;
- dans les secteurs hors OIN des communes de Courbevoie, La Garenne Colombes, Nanterre et Puteaux, les orientations d’extension limitée et de compensation sont applicables.
La nouveauté consiste en la mise en place d’un comité de pilotage des équilibres logements/bureaux réunissant Paris La Défense (PLD) et les services de l’État afin d’étudier la pertinence de projets de bureaux et définir à moyen terme les orientations stratégiques de développement de l’OIN.
Une attention particulière au bilan carbone des opérations tertiaires
Dernière nouveauté des orientations de 2021 : la préfecture de la région Ile-de-France annonce son ambition de s’assurer du bilan carbone performant des opérations de bureaux.
A cet effet, il est demandé aux porteurs de projets de justifier du choix environnemental de leur projet, par exemple en argumentant le choix d’une démolition/ reconstruction versus une réhabilitation (le cas échéant).
La demande d’agrément bureaux devient également l’occasion de collecter des informations sur les énergies renouvelables, l’emploi de matériaux bio-sourcés, le ré-emploi, le recyclage de déchets.
Comme les orientations de 2018, les orientations de 2021 concluent sur des considérations générales sur leur champ d’application matériel et temporel :
- entrée en vigueur à compter du 6 septembre 2021,
- application à toutes les demandes d’agrément portant sur une opération à usage principal de bureaux,
- absence d’application aux opérations mixtes développant des logements (hors hébergement hôtelier) concomitamment aux bureaux – aucun ratio minimal de surface de logement n’étant toutefois imposé.
A la différence des orientations de 2018, il n’est plus indiqué que les « orientations de l’Etat ne possèdent pas un caractère juridique ». Elles n’en restent pas moins du droit souple dont les opérateurs doivent tenir compte dans la définition de leurs projets portant sur des opérations à usage principal de bureaux.
Les orientations de la préfecture de la région Ile-de-France pour l’instruction des demandes d’agrément sont consultables ici : http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/orientations-de-la-prefecture-de-region-pour-l-a5540.html |
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[1] On observe ainsi que la ville de Paris est découpée en deux secteurs :
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le secteur S1a, qui regroupe les arrondissements 1 à 9 et 16 et 17,
-
le secteur S1b , qui regroupe les arrondissements 10 et 11 (partiels) et 12 à 15.
[2] Au sein de la métropole du Grand Paris, il s’agit des établissements publics territoriaux (EPT).
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