La loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience » a été publiée au JO le 24 août 2021 après avoir fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par une décision n°2021-825 DC du 13 août 2021 du Conseil Constitutionnel[1].
Parmi l’ensemble des sujets traités par cette loi fleuve composée de 305 articles, la loi Climat prévoit diverses dispositions portant sur le volet urbanisme et ayant pour objet de maîtriser le développement de l’urbanisation.
Les thèmes et apports principaux de cette loi en matière d’urbanisme portent sur l’objectif de « Zéro artificialisation nette » (I) mais également sur la mise en place de multiples règles d’optimisation de l’utilisation des sols (II).
I – L’objectif « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN)
L’objectif posé par le chapitre III de la loi « Lutter contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme » est de réduire l’artificialisation des sols de sorte que « le rythme de l’artificialisation des sols dans les deux années suivant la promulgation de la présente loi [soit] tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date ».
L’artificialisation est définie par l’article 192 comme étant « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». Un décret en Conseil d’État est néanmoins attendu afin de préciser cette définition et établir une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme.
Afin d’atteindre cet objectif, la loi définit la notion de renaturation des sols ou désartificialisation comme étant « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé » et met en place des mesures tant du point de vue de l’urbanisme commercial (1) que du point de vue de l’urbanisme réglementaire (2).
1) – Les mesures mises en place du point de vue de l’urbanisme commercial
L’article 215 de la loi, qui a été validé lors du contrôle de constitutionnalité[2], interdit la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale à tout projet d’implantation de nouvelles surfaces commerciales ou tout projet d’extension de celles-ci qui engendrerait une artificialisation des sols.
A ce principe fort est apporté une exception qui vient le nuancer significativement.
Ainsi, les projets commerciaux d’une surface de vente inférieure à 10.000 m², les extensions ne conduisant pas à dépasser le seuil de 10.000 m² de surface de vente, ou les extensions inférieures à 1.000 m² de surface de vente dans les projets ayant déjà atteint le seuil de 10.000 m² de surface de vente, peuvent être autorisés si le pétitionnaire démontre, à l’appui de l’étude d’impact de son projet, que (i) son projet s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, (ii) qu’il répond au besoin du territoire et (iii) qu’il répond à l’un des critères suivants :
- l’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation du territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
- l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser la mixité fonctionnelle du secteur ;
- la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
- l’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiée dans le document d’orientation et d’objectif du SCOT.
Il conviendra toutefois d’attendre la parution du décret en Conseil d’État devant préciser les modalités d’application de ce dispositif et définir ce que sont les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols pour mieux appréhender la portée et l’efficacité potentielle de la mesure.
2) – Les mesures mises en place du point de vue de l’urbanisme réglementaire
L’article 194 de la loi permet de décliner la mise en place de ce principe de réduction de l’artificialisation des sols au sein des documents de planification. Elle place la région en tête de file de ce mouvement en prévoyant que l’ensemble des documents régionaux – qu’il s’agisse du nouveau schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, ou du schéma directeur de la région Ile-de-France, ou encore de ceux respectifs à la Corse ou aux régions d’outre-mer – doit intégrer la lutte contre l’artificialisation des sols parmi leurs objectifs.
Plus précisément, ces documents doivent fixer « une trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation nette des sols ainsi que, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation [ qui est, rappelons-le, de 50% dans un délai de 10 ans] ».
Cet article prévoit que cet objectif doit par la suite être retranscrit dans les documents de planification locaux (à savoir le SCOT, le PLU le cas échéant ou la carte communale). Plus précisément, le PLU ou la carte communale ne pourront plus ouvrir à l’urbanisation « des espaces naturels, agricoles ou forestiers que s’il est justifié, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisés, que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés. Pour ce faire, elle tient compte de la capacité à mobiliser effectivement, les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés […] ».
La révision desdits documents devra avoir lieu selon un calendrier précis[3] et à défaut des sanctions sont prévues. L’une des plus contraignantes étant l’impossibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme, dans une zone à urbaniser du PLU ou dans les secteurs de la carte communales où les constructions sont autorisées, tant que lesdits objectifs n’auront pas été retranscrits dans les PLU ou cartes communales.
En parallèle, de multiples règles sont mises en place afin d’optimiser l’urbanisation et d’éviter l’artificialisation de nouveaux terrains.
II – Les règles d’optimisation de l’utilisation des sols
La loi met en place de nouvelles règles permettant d’optimiser la densité des espaces à urbaniser (1) et d’inciter à la réhabilitation des friches (2).
1) – L’optimisation de la densité des espaces à urbaniser
L’article 208 de la loi ajoute un alinéa à l’article L 151-27 du code de l’urbanisme qui prévoyait jusqu’alors que, dans les ZAC, le règlement du PLU pouvait déterminer la surface de plancher autorisée sur chaque îlot en fonction de la nature et de la destination des bâtiments. A cette disposition, la loi ajoute la possibilité pour le règlement de déterminer une densité minimale de constructions afin de favoriser une densification des terrains.
L’article 209 de la loi modifie l’article L 152-6 du code de l’urbanisme pour ajouter un nouveau cas de dérogation aux règles du PLU – à savoir une dérogation supplémentaire de 15% des règles relatives au gabarit pour les constructions contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres – alors que l’article 210 ajoute au code de l’urbanisme un article L 152-5-2 autorisant l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme à déroger aux règles de hauteur fixées par le PLU pour les constructions faisant preuve d’exemplarité environnementale.
Enfin, l’article 214 de la loi crée l’article L 300-1-1 du code de l’urbanisme qui dispose que les actions ou opérations d’aménagement soumises à évaluation environnementale devront faire l’objet d’une étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables et d’une étude d’optimisation de la densité des constructions.
2) – La réhabilitation des friches
Afin d’optimiser l’urbanisation des espaces d’ores et déjà urbanisés, le législateur a mis en place des dispositifs permettant de favoriser la réhabilitation des friches.
Tout d’abord, l’article 211 de la loi prévoit que les projets de construction ou de travaux réalisés sur une friche pourront déroger aux règles de gabarit (dans la limite d’une majoration de 30%) et aux obligations en matière de stationnement.
Ensuite, l’article 212 de la loi met en place, à titre expérimental pendant trois ans, un certificat de projet à la demande du porteur d’un projet intégralement situé sur une friche lorsque ce projet est soumis à une ou plusieurs autorisations relevant du code de l’urbanisme, code de l’environnement, code de la construction et de l’habitation, code rural et de la pêche maritime, code forestier, code du patrimoine, code du commerce et code minier.
Ce certificat de projet indique :
- les régimes, décisions et procédures applicables au projet à la date de la demande ;
- les délais réglementaires ou fixe un calendrier d’instruction de ces décisions qui se substitue aux délais réglementaires prévus.
Ce certificat de projet a pour objet de cristalliser, pendant 18 mois à compter de date de délivrance du certificat, les règles applicables aux demandes d’urbanisme lorsqu’une telle autorisation est nécessaire.
Enfin, l’article 201[4] de la loi, qui impose au règlement du PLU des communes densément peuplées de définir dans certains secteurs des coefficients minimaux de surface non imperméabilisées ou éco-aménageables, dispense du respect de ces ratios les opérations de réhabilitation, de rénovation ou de changement de destination qui n’entraînent aucune modification de l’emprise au sol.
Pour conclure, si cette loi fleuve apporte indiscutablement de nouvelles mesures, il convient d’attendre la publication des décrets d’application et leur mise en œuvre avant de pouvoir porter un jugement sur l’efficacité desdites mesures face à l’urgence climatique actuelle.
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[1] Le Conseil Constitutionnel n’a censuré que 14 cavaliers législatifs : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043957268
[2] Les députés ayant saisi le Conseil Constitutionnel soutenaient que cette modification engendrait une différence de traitement entre les entreprises dès lors qu’elle ne s’appliquait pas aux entrepôts des entreprises de commerce en ligne. Le Conseil Constitutionnel a considéré que tel n’est pas le cas dès lors qu’avant cette modification l’autorisation d’exploitation commerciale n’était déjà pas nécessaire pour les entrepôts.
[3] Pour les documents régionaux, leur évolution doit être engagée dans l’année de la promulgation de la loi (avant le 22 août 2022), pour une entrée en vigueur de ces documents modifiés dans les deux ans de cette promulgation (avant le 22 août 2023). La mise en comptabilité des documents de planification locaux doit intervenir dans la foulée de l’évolution des documents régionaux, dès la première révision ou modification des documents de planification locaux, et au plus tard dans un délai de 5 ans (pour les SCOT, soit avant le 22 août 2026) ou 6 ans (pour les PLU et les cartes communales, soit avant le 22 août 2027) à compter de la promulgation de la loi.
[4] Qui apporte à titre principal des précisions quant aux coefficients que le règlement prévoit concernant les surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables à réaliser.